Voyage au Sénégal : Intermède géoéconomique et essai de géostratégie confessionnelle
Voici en deux exemples concrets l’illustration de deux mouvements de fond actuellement à l’oeuvre en Afrique et plus particulièrement au Sénégal : l’expansion économique chinoise et l’influence croissante du moyen-orient sur l’Islam pratiqué en Afrique noire.
Depuis quelques années (5 à 10 ans environ), les Chinois sont de plus en plus nombreux à s’installer au Sénégal, surtout à Dakar pour l’instant. Forts de leurs traditions millénaires, ils occupent une part croissante dans deux secteurs de l’économie sénégalaise : le commerce et le bâtiment. La stratégie est ici la même que dans beaucoup d’autres pays. Des ressortissants chinois rachètent des petits commerces à des Africains et les utilisent pour importer et vendre des biens manufacturés en Chine. Comme ces produits sont fabriqués à très bas coût par la main d’oeuvre chinoise, ils sont encore moins chers que les produits fabriqués en Afrique. Et des produits pas chers, c’est justement ce que recherchent les Africains. Résultat, ils se jettent dessus et le succès est au rendez-vous.
Où est le mal me direz-vous ? et bien le problème tient au fait que ce gain de pouvoir d’achat masque en réalité une perte colossale pour l’économie locale. En effet, l’argent dépensé pour acheter ces produits se retrouve immédiatement en Chine et profite exclusivement à l’industrie chinoise. Il n’est jamais réinjecté dans l’économie sénégalaise, n’y crée aucun emploi ni ne produit de nouvelles richesses. C’est une fuite exponentielle de liquidités à laquelle une grande partie du continent doit faire face.
Quid des autorités sénégalaises dans tout ça ? Sont-elles aveugles ? Bien sûr que non. Une telle fuite de capitaux est évidemment connue et autorisée au niveau étatique. Pour entrer sur le territoire, les biens font l’objet d’accords commerciaux et de taxes, mais l’argent de ces accords finit, comme souvent en Afrique, dans les poches de ceux qui les signent et ne sert jamais à des investissements structurels pourtant indispensables.
Ce mouvement de fond s’illustre à Dakar par un grand projet immobilier qui verra prochainement le jour. Les Chinois viennent en effet d’acheter un terrain de foot situé en pleine ville (s’attirant au passage la colère de la jeunesse locale qui voit ainsi disparaître un de ces rares moyens de divertissement et engraissant au passage l’élite politique). Ils projettent de construire sur ce terrain un centre commercial (au pays de l’échoppe ambulante, vous imaginez la révolution culturelle !), mettant ainsi en place, à grande échelle, le processus que je viens de vous décrire. Et comme ils le font dans beaucoup d’autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient, nul doute qu’ils feront venir de Chine la main d’oeuvre nécessaire à la construction de l’édifice. Pendant ce temps, la roue tourne à vide pour l’économie de Dakar…
La deuxième tendance inquiétante que j’ai pu observer concerne l’évolution de l’Islam. Jusqu’à présent, l’Islam pratiqué ici semblait relativement modéré par l’indolence sénégalaise et l’influence très forte des principaux marabouts du pays. Ceci dit, il est fort probable que les choses changent. En effet, en raison de l’appui financier massif d’états du Golfe (surtout l’Arabie Saoudite) à travers des fonds souverains ou bien par des financements privés en provenance de la même région, de plus en plus d’écoles coraniques voient le jour au Sénégal. Certes, ces écoles ne sont pas nouvelles, mais la stratégie qui sous-tend leur multiplication est pour sa part relativement récente et inquiétante.
Tout d’abord leur succès est impressionnant. Et pour cause, la fécondité endémique pousse les familles à mettre leurs enfants en pension dans ces établissements plutôt que de les avoir à charge ou de les laisser trainer dans la rue. Une fois les écoles bien remplies par cette utilisation habile de la pression démographique, l’enseignement qui y est dispensé reflète fortement l’influence des pays à l’origine de leur construction. Les enfants y apprennent le Coran avec une rigueur et une discipline peu rassurantes, a fortiori quand la lecture qui en est faite appartient à un sunnisme intransigeant, voire au wahhabisme le plus dur. Dans d’autres écoles, les talibés sont même transformés en petits esclaves modernes, exploités et maltraités. Ici, l’esclavage (dans son sens strict) existe donc bel et bien, et ce n’est pas celui auquel on pense en premier. Bref, des légions entières de musulmans ainsi éduqués vont bâtir le Sénégal de demain ainsi que d’autres pays en Afrique et j’avoue être assez inquiet pour la suite…
Et ne vous y trompez pas, le fait que la principale école coranique de Saint-Louis ait été construite en plein milieu de la partie catholique de la ville (Saint-Louis est en effet clairement divisée en une partie musulmane au nord et une partie catholique au sud de l’île) n’est en aucune manière un hasard… L’expansionnisme religieux, tout comme l’expansionnisme économique, est lui aussi un réalité.
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